Crossplay et éthique : Sony fait payer les développeur qui génèrent de l’argent en-dehors de son écosystème

Hier s’est ouvert le procès opposant Apple contre Epic Games au sujet de Fortnite et des cuts réalisés par la firme à la pomme sur les micro-transactions, mais les affaire prennent une tournure déjà plus impressionnante. En effet, après l’implication (contre son gré) de Valve, c’est désormais Sony qui a été mis sous le feu des projecteurs. L’éditeur nippon n’a pas été clairement appelé dans cette affaire, mais des documents fournis par Epic dans le cadre de l’audience ont mis en exergue certaines pratiques de l’industrie.

En 2018, le géant japonais déclarait ne pas vouloir du crossplay car ses consoles « sont le meilleur endroit pour jouer« . Petit à petit, et sous les arguments – majoritairement financiers – d’Epic Games, l’éditeur/fabricant a fini par s’ouvrir petit à petit au crossplay, ne serait-ce que pour ne pas perdre des parts de marchés. Mais le procès qui oppose actuellement Apple à Epic à montré combien ces derniers ont dû dépenser pour convaincre Sony, et de quelle manière. Un document interne datant de 2019 montre une procédure interne visant à contrebalancer les éventuelles pertes de chiffre d’affaire si des joueurs achètent des produits in-game sur une autre plate-forme, mais jouent sur PlayStation.

 

 

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L’image ci-dessus, théoriquement confidentielle mais qui s’est diffusée sur Internet plus rapidement qu’un nude de Jennifer Lawrence, permet d’avoir une bonne idée de la formule de calcul de Sony. Exemple : si 20% des joueurs mondiaux de Fortnite jouent sur l’écosystème PlayStation mais que seulement 7% du chiffre d’affaire du jeu est réalisé via le PS Store, il est alors estimé que l’éditeur tiers (dans cet exemple, Epic Games) gagne de l’argent sur l’infrastructure de Sony sans lui en faire profiter.

Ainsi, tous les éditeurs et développeurs bénéficiant du crossplay sur l’infrastructure de Sony doivent obligatoirement partager leurs données mensuelles, montrant le nombre de joueurs au monde mais aussi le chiffre d’affaire généré. A partir de là, Sony peut procéder à des calculs et estimer quelle « taxe » doit être appliquée. Si la pratique peut faire lever un sourcils, il est également importer de noter que Tim Sweeney a confirmé au tribunal que Sony était la seule plateforme à avoir fait payer Epic Games pour autoriser le crossplay, lequel bénéficie finalement à la communauté.

 

 


Sony n’a pas commenté ces documents qui sont largement diffusés sur Internet, mais déjà sur plusieurs réseaux sociaux, des gamers ont manifesté leur mécontentement. Sweeney a d’ailleurs précisé que Sony est la seule entreprise à demander une « compensation » pour le crossplay, et ce auprès de tous ses partenaires.

Un échange d’emails a également été révélé, datant de 2018  – soit avant que ne soit adopté le plan interne visant à faire payer un genre commission pour le crossplay. Joe Krenier, qui travaillait sur le business development de l’Unreal Engine, a contacté Sony pour parler de la possibilité d’ouvrir Fortnite sur toutes les plateformes ; sa liste de contreparties est impressionnante, offrant de renouveler la licence UE4 de Sony en termes généreux, organiser des events de taille, intégrer l’API esportive du constructeur japonais directement dans l’Unreal Engine ou encore de faire des annonces sur ce partenariat à l’E3 et que « Epic fasse l’impossible pour présenter Sony en tant que héros« . En bref, Krenier met à disposition de son partenaire la popularité, la fanbase et les technologies du studio, ce qui n’est pas rien.

Gio Corsi, ancien senior director de Sony America, semble peu convaincu dans sa réponse, et explique clairement que le crossplay, qu’il vienne d’Epic ou d’autres éditeurs, n’intéresse que très peu l’éditeur japonais. Il n’est pas impossible que l’échange initié par Krenier ait finalement poussé Sony à reconsidérer la chose, en entrainant le crossplay que l’on connaît désormais et les frais attenants.

 

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Mail de Joe Krenier (Epic Games)

 

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Réponse de Gio Corsi (Sony America)

 

 

 

Toujours en 2018, le très attendu Fallout 76 ouvrait la licence au multijoueur, et donc à de nouvelles opportunités de rencontres pour les survivants des Terres Désolées. Mais encore une fois, Bethesda s’est heurté au refus de Sony quant au crossplay, au grand dam de la communauté ; l’éditeur américain a manifesté son mécontentement un mois plus tard, menaçant de ne pas sortir The Elder Scrolls : Legends sur PlayStation si Sony s’obstinait à garder ses frontières fermées.

Cela fait quelques années que Epic Games promeut le crossplay à travers le monde, et le partage des ressources, joueurs et bénéfices en est un élément majeur, même s’il concerne plus les entreprises que la communauté. C’est d’ailleurs l’origine du combat entre Apple et Epic, où la firme à la pomme souhaite conserver le plus gros cut possible sur les achats in-game via son magasin. Les documents dévoilés hier concernant Sony mettent en exergue que dans l’industrie vidéo-ludique, les géants ont tendance à s’engraisser à outrance, quitte à faire exploser les boutons du pantalon.

Et dans cette métaphore, les boutons, ce sont nous les joueurs.

 

 

Rédacteur en chef de ce p'tit site bien sympatoche ! Amateur de jeux stylés, point bonus s'il y a une histoire riche et/ou des blagues de gamin. Dispo sur Twitter : @RealMimil

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