Covid et industrie ralentie : comment les doubleurs s’organisent pour travailler

C’est une triste évidence, la pandémie de Covid-19 a eu des effets catastrophiques pour l’industrie du jeu vidéo. Projets repoussés à une date plus tardive (voire même pas de date) et événements annulés sont désormais monnaie commune, laissant planer un certain doute sur ce que nous réserva le reste de la décennie. 

Au milieu de tout ça, il y a une profession qui subit cette situation, mais de manière moins médiatique : celle du doublage. J’ai essayé de joindre plusieurs professionnels du milieu, en gardant en tête qu’ils ne sont que rarement salariés, et reçoivent plutôt des cachets ponctuels pour leurs prestations. C’est donc une situation délicate qui s’offre à celles et ceux qui sont parfois privés de travail de manière soudaine. J’ai pu échanger avec trois personnes : Séverine et Nicolas, qui doublent en France, et Michal (le prénom à été changé à sa demande), qui travaille depuis la Pologne. 

Séverine travaille majoritairement avec Bethesda, mais la situation est compliquée : « J’ai signé pour plusieurs projets assez importants, et ai reçu des avances pour certains d’entre eux. Avec le rachat de Bethesda par Microsoft, j’avais potentiellement du travail pour un moment, donc tout s’annonçait assez rose, si je puis dire. Et en quelques semaines, tout est annulé ; enfin, mis en pause, plutôt. Quelque part, c’est pire, parce qu’on a pas de visibilité à court, moyen ou long terme. On se doute que les affaires finiront par reprendre, mais on ne sait pas quand. Et c’est cette incertitude qui est dure à gérer ».  

De son côté, Nicolas travaille en majorité avec France Télévisions en tant que voix off, mais a aussi été touché : « Ironiquement, j’ai vraiment commencé à travailler avec des éditeurs de jeux vidéo fin 2017, je crois. La diversité des rôles est peut-être plus importante, je dirais, ce qui pose des challenges particulièrement excitants. Je ne pense pas pouvoir dire que je suis sûr de gros projets, mais il y avait quand même pas mal de jeux sur lesquels j’ai commencé à doubler. A l’heure actuelle, sur une douzaine de prestations prévues cette année, j’en ai une seule de confirmée ». 

Lorsque j’ai voulu savoir comment ils se positionnaient sur l’avenir, en tout cas à moyen terme, les réponses étaient sensiblement les mêmes, avec quelques nuances. Nicolas m’a ainsi expliqué que ses prestations en-dehors du jeu vidéo étaient suffisantes pour se débrouiller, notamment grâce à son réseau ; il fait parti depuis quelques années de Les Voix, une association qui rassemble les personnes issues des métiers du doublage. C’est d’ailleurs là qu’il a rencontré Séverine, mais elle développe : « À part quelques exceptions ici et là, mon CV est vraiment lié aux jeux vidéo. En attendant que l’industrie retrouve de la stabilité, j’ai pu me construire un nouveau réseau pour pallier… mais c’est délicat ! Idéalement, les éditeurs devraient reprendre les commandes d’ici cet automne ». Notons que la Gamescom sera de retour dans un mois pour la première fois depuis les confinements successifs, ce qui pourrait donner un petit coup de boost au secteur ! 

 

 

 

De son côté, Michal prend son mal en patience. Il m’explique être privilégié car il parle plusieurs langues, et peut donc travailler pour plusieurs pays. « Et puis, l’Europe de l’Est est en plein développement, avec des studios de tous les côtés », m’explique-t-il. Effectivement, de CD Projekt a GSC Game World, en passant par Frogwares, Bloober Team ou encore Techland, il y a de quoi faire ! Mais en début d’année, Michal a été confronté à un problème qui, s’il le fait sourire aujourd’hui, était beaucoup moins fun sur le moment : « J’ai attrapé le Covid en février, probablement par ma femme [rires]. Ça a duré un bon mois, et aujourd’hui je suis vivant, donc je ne vais pas m’en plaindre. Mais quatre mois après, il m’arrive encore de tousser, et je n’ai pu le même rythme qu’avant. C’est problématique, surtout pour certains jeux où j’avais déjà un timbre ‘calibré’ et que je vais devoir retrouver ». 

Les performances sont effectivement un souci, puisque dans un métier où la gorge et les poumons sont primordiales, une maladie respiratoire a très vite de graves conséquences. « Pour le coup j’ai été épargné, donc je touche du bois » me dit Nicolas en souriant. « L’avantage d’être dans un groupe comme Les Voix, c’est aussi de pouvoir bénéficier d’autres professionnels pour ne pas perdre la main, ou plutôt les cordes vocales. C’est vraiment important pour nous de s’entraider, et surtout de s’entraîner ! ».  On espère donc que les choses finiront par s’améliorer dans l’industrie, en particulier pour ces voix souvent célèbres, et tout le temps anonymes ; on notera aussi la volonté de fer de Séverine, qui malgré toutes nos tentatives de corruption, n’a même pas voulu nous dire si elle travaillait sur The Elder Scrolls VI ! 

En attendant, on souhaite bien du courage à Séverine, Nicolas et Michal, que je remercie pour ces précieux mots ! 

Lothan

Rédacteur en chef de ce p'tit site bien sympatoche ! Amateur de jeux stylés, point bonus s'il y a une histoire riche et/ou des blagues de gamin. Dispo sur Twitter : @RealMimil

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