Blizzard attaque en justice le serveur privé Turtle WoW, qui est de plus en plus populaire
L’équilibre précaire entre serveurs privés et Blizzard Entertainment est de nouveau mis à l’épreuve. Cette fois, c’est Turtle WoW, un serveur privé fonctionnant depuis huit ans, qui se retrouve dans le viseur de l’éditeur.
Proposant une version Classic+ de World of Warcraft, avec un lore enrichi, des hauts-elfes jouables et même des expérimentations techniques comme l’intégration de l’Unreal Engine 5 et du ray tracing, Turtle s’était imposé comme une alternative créative pour les nostalgiques de l’époque Vanilla. Mais cette visibilité accrue semble avoir attiré l’attention juridique de Blizzard.
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Un précédent lourd et une zone grise juridique
Depuis la création de World of Warcraft, Blizzard a toujours considéré les serveurs privés comme une violation directe de ses droits d’auteur. L’affaire la plus connue reste celle de Scapegaming, condamné en 2010 à verser 88 millions de dollars à l’éditeur. Dans les faits, la plupart des projets similaires se voient d’abord notifier des cease-and-desist, ou subissent des retraits de contenus via le DMCA, notamment sur YouTube ou les réseaux sociaux. Turtle WoW a déjà vu plusieurs de ses trailers supprimés de cette manière, signe que Blizzard surveille attentivement son activité.
Le statut des joueurs est différent : jouer sur un serveur privé n’entraîne quasiment aucun risque juridique direct, mais expose à un éventuel bannissement sur les serveurs officiels. En revanche, pour les administrateurs, les enjeux sont bien plus sérieux : exploitation commerciale non autorisée, violation des conditions d’utilisation et atteinte à la propriété intellectuelle. Dans le cas de Turtle WoW, dont certains développeurs et bénévoles sont basés en Union européenne, la situation pourrait s’avérer encore plus délicate : Microsoft, maison-mère de Blizzard, possède des entités légales dans la quasi-totalité des juridictions occidentales, ce qui facilite grandement une action judiciaire.
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Un combat à la fois technique, juridique et géopolitique
Les discussions sur Reddit témoignent de cette inquiétude : si un serveur est hébergé dans un pays où Blizzard n’a pas de levier juridique — comme la Russie —, la fermeture est beaucoup moins probable. Mais dès que des membres de l’équipe résident aux États-Unis ou dans l’Union européenne, la donne change : ceux-ci deviennent vulnérables, notamment à travers des procédures comme le RICO Act aux États-Unis.
Turtle WoW illustre parfaitement cette tension. D’un côté, il représente une véritable innovation communautaire, offrant une version alternative de WoW qui répond aux frustrations d’une partie des joueurs : un lore qui progresse différemment, des fonctionnalités modernes et une liberté créative que Blizzard n’a longtemps pas proposée. De l’autre, cette ambition le rend plus visible, donc plus exposé juridiquement.
L’affaire Turtle pourrait ainsi marquer un nouveau tournant dans la relation ambivalente entre Blizzard et les serveurs privés : tolérés tant qu’ils restent discrets, mais menacés dès qu’ils gagnent en popularité ou revendiquent trop ouvertement leur différence.


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