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Qu’est-ce que la blockchain va apporter aux jeux vidéo, et comment ?

Illustration sans titre

On attend parler à toutes les sauces, et surtout depuis cette année. La blockchain est ze new thing qui est adaptée à plus ou moins tous les domaines, y compris celui des jeux vidéo. Et comme pour beaucoup de nouveautés, on entend un peu tout et n’importe quoi sur la blockchain. Nous allons donc voir quel impact cette technologie peut avoir sur les jeux vidéo, tant pour les créateurs que pour les joueurs. Attention, c’est assez long, mais tout a été vulgarisé au possible afin d’avoir une compréhension facile, et de ne pas trop se prendre la tête !

 

 

 

  • Posséder quelque chose, pour de vrai

 

L’argument le plus mis en avant par les éditeurs actuels est le « true ownership« . Même si nous verrons les détails plus tard, le principe est relativement simple : un asset en jeu (une monture, une épée, une maison…) est rattaché à un token sur la blockchain, et est la « véritable propriété » du joueur. Ce token est possédé par le joueur sur un porte-monnaie (wallet) qui lui est propre, et extérieur au jeu. Ainsi, l’éditeur n’a absolument aucune possession sur votre item, dont vous êtes le propriétaire tant d’un point de vue pratique qu’aux yeux de la loi. Cela peut sembler étrange, mais tous nos jeux sur Steam, l’Epic Store et autres ne nous appartiennent pas ; nous possédons une licence d’utilisation à durée indéterminée, qui peut être révoquée pour une attitude répréhensible, ou même sans raison valable.

Des plateformes comme GOG Galaxy proposent des jeux sans DRM, donc non-reliés à un service tiers pouvant peser sur la possession. L’identification sur la blockchain va plus loin et permet a une personne ce fameux « true ownership« , lequel offre les décisions qui vont avec ; en effet, un token peut est accompagné de différents pouvoirs décisionnaires, en fonction des modalités de son émission.

Cela permet d’éviter préventivement des dérives par les éditeurs ou les instances légales d’un pays – même si bien évidemment, ces dernières ont toujours un recours. Cela offre aussi d’autres options économiques pour les joueurs, comme nous le verrons un peu plus bas. L’idée globale est qu’un produit soit réellement aux mains de l’acheteur.

 

 

 

  • Quelles applications précises ?

 

Elles sont nombreuses, à tel point qu’on ne va pas toutes les lister dans cette partie. Mais avant toute chose, il faut bien garder en tête que en tant qu’élément technique, la blockchain elle-même ne sera pas visible, seules ses applications le seront. Un peu comme un moteur graphique, dont la puissance brute et les opportunités ne sont pas visibles en tant que tels, mais dépendent de leur utilisation par les développeurs. Il n’existe pas de « jeu blockchain », mais plutôt un jeu tirant parti de la blockchain. Certains studios n’hésite pas à caler ce mot dans leurs présentations en tant qu’argument de vente, alors qu’un jeu ne doit jamais être pensé pour servir une technologie ; cette dernière, quelle qu’elle soit, doit être au service du produit et donc des joueurs.

L’une des premières fonctionnalités à avoir fait briller la technologie blockchain est le smart contract. Ce terme utilisé un peu à tout-va désigne un algorithme qui n’a pourtant rien d’intelligent, et n’est pas vraiment un contrat non plus. Il obéit à la simple règle demandant qu’une action précise en entraîne une autre. L’intérêt ? Réaliser une chaîne d’actions connues de tous de manière automatique, sans qu’aucun agent extérieur n’intervienne. Une blockchain étant par principe publique et irréversible, un développeur publiera un smart contract à la vue de tous, et ne pourra pas le modifier. Mais quel intérêt, encore une fois ?

Prenons l’exemple des tournois automatisés, tels qu’implémentés dans StarCraft II : ces compétitions périodiques se déclenchent à un certain moment, et en fonction des résultats d’un ladder précis, établissent un classement visible de tous. L’application de smart contracts donnerait une dimension encore plus précise et importante à ces tournois automatisés. Un ensemble de règles définies pourrait envoyer des récompenses déjà déterminées sur la blockchain – en crypto-monnaies, donc – aux trois premiers, voire plus selon lesdites règles. Cela permettrait ainsi un meilleur développement de l’écosystème esportif, et l’essor de nouveaux talents. Ainsi, ce simple algorithme ferait gagner du temps à tout le monde, notamment en garantissant une simplicité exempte de problèmes.

Une autre possibilité, et très ancrée dans l’actualité, concerne les loot boxes ! Depuis 2017 et la polémique autour de Battlefront II, de nombreux gouvernements s’en sont pris à cette pratique opaque, comme en Belgique, aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne ; le problème majeur concerne le contenu des boxes, qui n’est pas clairement défini et entraîne ainsi un risque de dépendance. L’inscription des items possibles sur la blockchain, ainsi que leur taux de drop, permettrait d’avoir à la vue de tous une estimation très précise des probabilités, et qui ne pourrait pas être changée au gré des caprices de l’éditeur. Le côté aléatoire de cette fonctionnalité, facteur ô combien déterminant du risque d’addiction, serait ainsi réduit à un niveau appréciable n’entamant ni les marges de l’éditeur, ni la santé de l’utilisateur.

 

 

 

 

 

  • Y aura t-il des impacts conséquents sur le monde du jeu vidéo ?

 

Pour répondre de manière concise : oui. Il est encore beaucoup trop tôt pour avoir un plan parfaitement tracé, mais l’utilisation de la blockchain dans le monde du gaming aura des conséquences incroyables sur le long terme, dont on peut déjà voir certains prémices. Si les exemples ci-dessus servent surtout à illustrer la manière donc des fonctionnalités actuelles peuvent être améliorées, la blockchain créé de nouveaux outils, et donc de nouveaux paradigmes.

Parlons donc du token, cette donnée sur la blockchain rattachée à un asset dans un jeu. Celui-ci peut prendre de nombreuses formes en fonction des souhaits du développeur : un objet à usage limité (le token se détruira par la suite), un bonus limité par une période de temps ou encore un objet à la possession définitive – un peu comme comme les cartes de Spells of Genesis, par exemple. Mais là où le potentiel est titanesque, c’est qu’un seul token peut être rattaché à… une infinité d’assets venant d’une infinité de jeux. Imaginons ainsi un schéma de ce type :

 

 

                                          Monture épique dans un MMORPG

Token X =                   Skin d’arme stylé dans un FPS

                                           Skin de personnage dans un MOBA

 

 

Ainsi, un éditeur de plusieurs jeux pourra proposer un token aux multiples applications dans autant de jeux. L’intérêt est énorme pour tout le monde : imaginez Valve vendre un skin d’arme légendaire pour Counter-Strike : Global Offensive, lequel deviendrait ensuite un skin rare sur DotA 2, et pourquoi pas autre chose sur Team Fortress 2, Artifact ou, soyons fous, Half-Life 3. Les gens seraient ainsi plus enclins à utiliser cet objet tokenisé sur plusieurs jeux d’une même éditeur, ce dernier étant donc largement gagnant. Mais pour les joueurs ? Toujours dans la continuité de notre exemple, les magasins communautaires comme le Steam Workshop permettraient une meilleure valuation des objets, et donc des prix attractifs au vu des produits auxquels ils correspondent. Ajoutez à cela la possession réelle évoquée au début de cet article, et on se retrouve avec un écosystème beaucoup plus sain pour tout le monde !

Ce que l’on risque de voir dans les jeux vidéo sont les NFT, pour non-fungible token – ou token non-fongible, dans la langue de Voltaire. C’est peut-être un acronyme que vous avez déjà croisé, tant la popularité des NFT a explosé depuis l’année 2020. Mais qu’est-ce que c’est ? Un petit résumé sur la blockchain s’impose, mais pas d’inquiétude, on simplifie : les blockchains sont souvent alimentées par des monnaies (Bitcoin, Ether, Atom…) qui se divisent jusqu’à de nombreuses décimales. Un NFT est un entier parfait, qui sera toujours égal à 1 minimum. Toujours pour reprendre l’exemple ci-dessus, on ne possédera pas 0,65195563 skin d’armes sur Counter-Strike ; soit on possède soit l’item, soit on ne le possède pas, tout simplement.

Ces tokens NFT peuvent prendre autant de formes que son créateur le désire. Ainsi, un « token consommable » pourra être une potion de soin, qui disparaîtra après son utilisation. Un token timé pourra servir à avoir accès à un item/endroit/jeu soit durant une période limitée, soit sur une période donnée, très utile pour une bêta. Dans cet ordre d’idée, le token peut ainsi servir de récompense avant la sortie des jeux : les ICO (Initial Coin Offering) sont des levées de fond servant à financer des entreprises en rapport avec la blockchain ; en échange de ces fonds, lesdites entreprises récompensent les investisseurs avec des tokens (généralement fongibles, pour le coup) aux utilisations diverses et variées. Dans le cas d’un jeu vidéo, les studios indés ont souvent des projets plein de potentiels mais des fonds pas forcément impressionnants, et doivent soit rogner sur le produit final, soit quérir le soutient d’un éditeur qui pourra se contrebalancer par une ingérence malheureuse. Réaliser une ICO permettrait ainsi à un studio de bénéficier de fonds suffisants, mais également de récompenser les joueurs avec tout un tas de possibilités : accès anticipé, accès à la bêta, récompenses cosmétiques ou pratiques en jeu, artbooks numériques… en contrôlant de A à Z la chaîne de de financement, les studios évitent de payer les frais et commissions propres aux plateformes de crowdfunding.

 

 

 

  • Nouvel écosystème : du joueur au créateur

 

Les plateformes comme le Steam Workshop voient des joueurs lambdas publier des mods accessibles à toute la communauté. Et au fil des années, il est devenu évident que certains de ses créateurs avaient autant de passion que les créateurs du jeu qu’ils enrichissent, et parfois même plus de compétences. Alors pourquoi ne pas instaurer une économie parallèle, mais saine ?

Il faut revenir à l’idée de la blockchain en tant que technologie, et des blockchains en tant que services spécifiques. A titre d’exemple, les blockchains sur lesquels tournent certaines crypto-monnaies, à l’image de Bitcoin, Ethereum ou Cosmos pour reprendre les exemples précédents, sont publiques ; une fondation se charge du développement, généralement avec l’aval de la communauté, mais la blockchain en elle-même appartient à tout le monde et personne en même temps. Une personne peut y déployer un smart contract accomplissant telle ou telle tâche, et un million d’utilisateurs peuvent interagir avec s’ils en voient l’utilité. C’est, grosso modo, la blockchain en tant que technologie.

Cela dit, rien n’interdit à une entreprise de créer sa propre blockchain, avec ses propres règles – c’est d’ailleurs quelque chose que Activision semble vouloir faire. En soi, comme pour l’exemple du moteur graphique, une blockchain peut être personnalisée pour répondre à des besoins précis ; cela contredit un peu l’idée de « un truc qui appartient à tout le monde », mais en soi, c’est compréhensible.

En attendant, les blockchains dites publiques séduisent déjà certains développeurs, qui y créent un écosystème brillamment simple. Deux cas de figure majeurs se dégagent, l’un purement communautaire, l’autre vertical.

Dans le premier cas, des utilisateurs peuvent modéliser des items dans un jeu, en accord avec des principes régis par le développeur. Ainsi, le pionnier The Sandbox peuple son monde de millions d’objets et avatars créés par la communauté. Un joueur décide de créer une épée en jeu, avec un total de 100 copies uniques de cette épée, et la rattache à un token ; chaque personne qui achètera ce token aura donc son épée en jeu, sans que le développeur n’interfère le moins du monde. Ce libre-marché total permet ainsi aux créateurs de contenu d’engranger de l’argent via leurs créations, et éventuellement de s’assurer d’une meilleur qualité finale.

Le second cas découle d’une relation verticale entre la communauté et le développeur. Ce dernier est le seul à créer des objets tokenisés, qui sont vendus aux joueurs ; ceux-ci peuvent les échanger entre eux, voire les vendre sur d’autres places de marché, mais leur utilité n’est pertinente que selon la volonté du développeur. Ce dernier peut ainsi en tirer parti, comme vu plus haut, en donnant à un token plusieurs fonctions sur plusieurs jeux.

 

 





 

 

 

  • OK, mais concrètement, ça fera quoi un token ?

 

La réponse à cette question est plutôt simple : tout. Une blockchain et les actifs qui y fonctionnent ne sont rien de plus que du code informatique, ce qui veut dire qu’il est possible de leur assigner n’importe quelle fonction dans un jeu vidéo. Pour le fun, voici quelques exemples :

 

 

 

L’idée n’est donc pas d’avoir des tokens à tout-va, mais bel et bien une utilité tant pour les joueurs que les émetteurs. Certains des exemples de la liste ci-dessus sont d’ores et déjà en pratique, tandis que d’autres sont de pures spéculations ; il sera en tout cas très intéressant, dans les années à venir, de voir comment de nouvelles utilités sont trouvées à la blockchain !

 

 

 

  • Gagner ou dépenser de l’argent

 

Dernier point qui, quelque part, nous fait revenir au début : le fonctionnement d’une blockchain. Chacune dispose d’une crypto-monnaie native, notamment utilisée pour payer les frais de transaction ; ainsi, toute action liée à un token (émission, réception, récompense…) nécessitera une petite quantité de crypto pour en assurer les frais.

Ces dernières années, cette fonctionnalité est devenu un problème titanesque. A l’heure actuelle, la grande majorité des jeux utilisant une blockchain sont basés sur Ethereum, dont la structure permet facilement l’émission de tokens via ces fameux smart contracts ; un oasis rêvé pour les développeurs, donc. Sauf que la surutilisation de ce réseau pour de nombreuses choses a entraîné une hausse significative des frais de transaction, qui peuvent aller jusqu’à… plusieurs dizaines d’euros ! Un peu cher pour recevoir un truc, aussi stylé soit-il.

Il en va de même pour les gains. Recevoir de l’argent et/ou un token est une transaction, avec les frais inhérents. De nombreux protocoles de finance décentralisée (DeFi) extrêmement populaires sont aussi paralysés par cette explosion des frais ; il va de soi qu’un joueur sera moyen chaud de claquer ses économies juste pour recevoir un peu d’argent ou un objet.

Ethereum travaille actuellement à une solution de scaling, permettant de réduire les frais, mais d’autres blockchains conçues plus récemment semblent déjà contourner le problème, et séduire les développeurs. Nous n’en sommes cependant qu’au début du formidable mariage entre blockchains et jeux vidéo, avec les opportunités insoupçonnées que nous réserve le futur. Mais les spécificités propres à chaque chaîne les différencient les unes des autres, offrant ainsi aux développeurs plus de choix pour créer leurs projets en toute sérénité.

Wait & see !

 

 

 

  • Et pour finir…

 

Ce long article aura essayé d’être le plus exhaustif possible, mais il est important de garder en tête que si le domaine de la blockchain est en perpétuelle évolution, son utilisation pour les jeux vidéo n’en est encore qu’à de timides balbutiements. Néanmoins, les choses semblent bien avancer ici et là, avec de nombreux projets qui commencent à porter leurs fruits.

Afin d’avoir une vision d’ensemble de ce nouvel écosystème, vous pouvez retrouver ci-dessous une liste de projets existants mariant jeux vidéo et blockchain. Elle n’est absolument pas complète mais offre néanmoins un bel aperçu de ce qui est à venir ; on y retrouve des jeux déjà lancés, d’autres en cours de développement, ainsi que des plate-formes aux diverses utilisations. Enjoy !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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