Pendant plus de dix ans, le petit studio indépendant Permadeath a façonné avec amour Planet Centauri, un jeu bac à sable mêlant pixel-art, magie et construction, porté par une communauté enthousiaste.
Avant sa sortie en version 1.0, le titre cumulait plus de 138 000 ajouts à la liste de souhaits sur Steam — un chiffre dont la plupart des indés rêvent. Pourtant, au moment du lancement, catastrophe totale : à peine 581 copies vendues en cinq jours. La raison ? Un bug dans les systèmes internes de Steam, qui a tout simplement empêché l’envoi des emails de notification de sortie aux joueurs ayant wish-listé le jeu. Autrement dit, la majorité du public potentiellement intéressé par Planet Centauri n’a jamais su que le jeu était enfin disponible. Valve a reconnu l’erreur en expliquant qu’il s’agissait d’un bug “rare”, survenu moins d’une centaine de fois depuis 2015. Rare, peut-être, mais cette fois-ci, il a frappé un projet qui dépendait entièrement de cette première impulsion pour exister sur la plateforme.
Pour tenter de réparer les dégâts, Valve a proposé aux développeurs une « Daily Deal« , c’est-à-dire une mise en avant de 24 heures sur Steam. Une compensation appréciable, en théorie, et qui permet de toucher un tout nouveau public. Mais le studio tombe immédiatement sur un nouveau coup du sort : la date choisie pour cette promotion coïncide avec une annonce majeure de Valve, à savoir la révélation d’une nouvelle Steam Machine, d’un casque VR et d’une nouvelle manette. Résultat : toute la communication de la plateforme est entièrement monopolisée par les propres produits de Valve. L’espace laissé à Planet Centauri est mince, voire microscopique.
Malgré cette concurrence interne écrasante, la mise en avant aura tout de même permis de vendre environ 5 000 copies. De quoi respirer, selon le studio, et financer une année supplémentaire de développement — mais sûrement pas de quoi effacer l’amertume d’un lancement gâché. Laurent Lechat, cofondateur du studio, parle même d’une impression de « jeu maudit. »
Au-delà de l’anecdote, cette affaire illustre une réalité bien connue des développeurs indépendants : l’algorithme de découverte de Steam dépend lourdement du pic de visibilité initial. Sans notifications, sans montée dans les listes « New & Trending, » un jeu peut littéralement disparaître avant même d’avoir existé.
Quant au geste de Valve, il laisse un arrière-goût mitigé. Une mise en avant de 24 heures, certes, mais noyée sous le marketing maison de la plateforme. Un geste qui sonne davantage comme un minimum syndical que comme une véritable réparation, et ne règle surtout pas le problème de base.
Le constat est aussi clair que triste : Planet Centauri n’a jamais pu défendre sa chance. Et quand l’écosystème entier repose sur une seule plateforme, une simple erreur technique peut suffire à ruiner une décennie de travail — sans que personne ne soit vraiment responsable, sauf peut-être l’inertie d’un géant trop habitué à dominer pour se remettre en question. Quoiqu’on en dise, le quasi-monopole de Valve sur les magasins virtuels pèse lourd pour certains…

