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Les Game Awards 2023 se font les hérauts d’une triste mascarade vidéo-ludique

Les Game Awards 2023 auront lieu le 7 décembre prochain, et sont attendus pour deux raisons : les classiques annonces de jeux à venir, et les récompenses pour ceux qui sont sortis.

Ce dernier aspect est bien sûr subjectif, malgré la participation d’une centaine de journalistes (ou assimilés) venant de différents pays. Mais cette année, l’événement phare de Geoff Keighley souffre de disparités qui ne peuvent plus être ignorées, et remettent définitivement en question la légitimité des Game Awards et de l’objectivité journalistique dans le monde des jeux vidéo.

 

 

C’est un débat qui remonte à loin, et ne finira probablement jamais : qu’est-ce qu’un jeu indépendant ?

Si l’on en croit les Game Awards 2023, on peut probablement imaginer qu’il s’agit d’un projet avec des graphismes dits “simples”, et ne ressemblent pas aux productions triple A des gros éditeurs. La line-up de cette année contient ainsi les (très bons) jeux suivants :

 

 

Le problème, c’est que même s’il s’agit uniquement d’une liste de nominés… ne manque-t-il pas un certain Baldur’s Gate 3 ? Le cRPG développé ET édité par Larian Studios est la définition même d’un jeu indé, puisque son existence entière, de l’ébauche à la sortie en passant par le marketing, n’a jamais quitté une seule et même boîte. Bien entendu, une nuance peut être apportée quant à la taille et aux moyens d’un même studio. CD Projekt Red ou Blizzard (pré-Microsoft, s’entend) sont certes des entités uniques, mais Cyberpunk 2077 ou Diablo IV peuvent difficilement être qualifiés de jeux indés.

Et pourtant, la même problématique s’applique à Dave the Diver, développé et édité par la jeune pousse Mintrocket. Jeune pousse certes, mais aidée d’un tuteur bien solide : le studio sud-coréen est en effet la propriété du géant Nexon, et la campagne marketing qui a épaulé le projet est bien supérieure à ce qu’ont pu recevoir, par exemple, Cocoon ou Sea of Stars.

Sans définition précise, cette catégorie perd donc beaucoup de sa saveur…

 

Pixel art = indé ?

 

 

 

Best community support” est une expression assez agréable. Elle symbolise l’amour et la passion, mais aussi le travail, qu’un studio transmet à sa communauté. Elle porte l’espoir d’années à venir pleines de contenu, et de la reconnaissance des joueurs envers les développeurs qui ne comptent plus leurs heures.

On s’étonne donc que la mouture 2023 de cette catégorie des Game Awards affiche, sans vergogne aucune, Destiny 2. Le jeu de Bungie est très bon, sans aucun doute, mais une telle récompense paraît néanmoins déplacée au vu des 100 employés licenciés le mois dernier. Est-ce donc si légitime de nominer à cette récompense un studio qui vient de se séparer d’une des raisons de sa réussite ? On trouve là une ironie qui, à n’en pas douter, sera particulièrement amère pour les personnes ayant perdu leur travail, il y a tout juste deux semaines…

 

 

 

 

 

La catégorie “best art direction” est en général un plaisir pour les yeux, de par l’émerveillement qu’elle propose, mais également sujette à une certaine subjectivité – ou une subjectivité certaine, plutôt.

Pourtant nominés et certes très bons en eux-mêmes, Tears of the Kingdom et Super Mario Bros Wonder ont beau être agréables à l’œil, ils n’offrent pourtant pas l’originalité qui caractérise souvent l’art. A l’inverse, on ne voit pas Atomic Heart, qui a brillé des années avant sa sortie pour sa direction artistique aussi loufoque qu’originale ; Hogwarts Legacy, qui n’a assurément pas voulu prendre trop de risques, offre pourtant une intéressante réinterprétation de l’univers de J.K Rowling ! Est-ce parce que ces jeux sont sortis en début d’année que Geoff Keighley ne daigne pas les nominer ?

Il est vrai que les dates posent problème aux Game Awards, ne nous le cachons pas. Tout comme Pentiment (développé par Obsidian Entertainment et édité par Microsoft) en a fais les frais l’année dernière, la date butoir est quelque chose d’assez malléable. Pour les Game Awards 2023, elle a été fixée au 17 novembre ; comment se fait-ce donc que les nominés de toutes les catégories aient pu être annoncés le 13 ? Quatre jours font rarement une réelle différence, mais quand on se targue d’être LA cérémonie de référence en matière de jugement de jeux vidéo, il convient de faire preuve d’un peu de rigueur.

Ou de beaucoup, dans l’idéal.

 

 

 

Les incohérences sont toujours plus nombreuses, si bien qu’on ne sait pas forcément dans quelle catégorie les caser. Cyberpunk 2077 doit-il vraiment être dans la catégorie “best ongoing” pour une extension et des mises à jour correctives ? A l’inverse, World of Warcraft a sorti en un an l’excellente extension Dragonflight et du contenu de manière trimestrielle, ce qui aurait assurément dû lui valoir une place dans cette catégorie.

La catégorie “best RPG” semble piétiner ces trois lettres pour y inclure Final Fantasy XVI et Lies of P, respectivement un jeu d’action et un Souls-like. Que dire de “best score and music“, qui semble oublier les accords déchirants qui rythment Phantom Liberty ? Et malgré des chiffres de vente extrêmement élevés, Starfield comme Diablo IV ne semblent pas avoir le droit de concourir au titre de meilleur jeu de l’année – probablement le downside d’appartenir à Microsoft. Peut-être que, si comme Bungie, ils avaient appartenu à Sony, les votes auraient été différents ? Ou alors l’originalité n’est peut-être pas bien vue : après tout, le remake de Resident Evil 4 qui se voit nominer dans la catégorie “best game” envoie le message clair que l’innovation, ça n’est pas si c’est intéressant que ça.

Sur les réseaux sociaux, les individualités s’élèvent en nombre contre ces Game Awards 2023… mais les sites et médias, eux, restent majoritairement silencieux. Peut-être que la collusion entre ceux qui éditent les jeux et ceux qui les notent est trop importante, laissant ainsi l’objectivité journalistique sacrifiée sur l’autel des chiffres de vente…

 

 

 

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